C’était l’heure préféré de Sandra. Allongée sur son lit, en chemise de nuit, elle sirotait un thé avec sa clope et sa télécommande. Alban était parti travailler à 20h30 et elle était enfin tranquille. Depuis qu’elle n’avait plus de boulot, Alban la prenait pour sa boniche. Il aurait voulu en plus qu’elle lui prépare des petits plats. Elle se tapait déjà ses lessives avec ses chaussettes puantes, elle faisait les courses, le ménage, la vaisselle… En fait, tous ce qu’elle détestait et c’était la base de leurs engueulades.
Mais entre eux, dorénavant, toutes les excuses étaient bonnes pour s’engueuler. Après les premiers mois de folies succédèrent les mois de guerre. En ce moment,c’était la guerre froide. Les reproches méprisés fusaient et faisaient comme des coups de couteau dans le cœur.
Au début leur histoire passait pour être idyllique : rencontre comme ça ne se fait plus, c’est à dire pas par Internet, ni même en boîte de nuit mais entre amis à force de restos et de cinémas. Elle avait fini par se faire raccompagner puis par le faire rentrer chez elle. A L’époque, elle habitait en collocation avec trois autres personnes et finissait une histoire avec l’une d’elle. Une autre erreur. Sandra avait donc saisit l’occasion et était partie très vite vivre chez Alban.
A la télé, que des films avec des flics et des tarets psychopathes. La météo qui n’avait pas besoin d’annoncer froid et grisaille. Quelle vie de merde. A 25 ans , Sandra se disait qu’elle n’avait encore rien fait de sa vie. Petits boulots sur petits boulots, presque autant que des mecs et tout aussi débiles. Alban était sympa et réglo. Ouvrier en usine, il passait ses nuits à tordre des bouts de ferraille, toujours les mêmes, avec une machine. Mais pour tout le monde, il travaillait dans l’aéronautique, une place rare… Il ramenait 1500 € de salaire sur 13 mois, maintenant c’était sûr, il ferait cela toute sa vie. A moins qu’un jour, peut-être demain, la société délocalise et le foute dehors. C’est ce qui pouvait lui arriver de mieux. Quoique, se dit-elle, c’est ce qui est arrivé à mon père et depuis il est sous anti-dépresseur.
Elle éteignit la télé avec rage. « ils feraient mieux de cultiver un peu les gens au lieu de les abrutir avec ces conneries dit-elle tout haut à un auditoire invisible ».
Elle revenait de se brossait les dents quand son téléphone sonna. « ma mère, il ne manquait plus qu’elle ! »
Allo Maman
…
Oui je suis allé à l’entretien
…
Non, ça s’est mal passé. Je connais ce boulot. Emballer des Cds toute la journée dans un entrepôt même pas chauffé.
…
Oui je sais maman, si tu veux, je suis une feignante, mais je préfère rien foutre pour le même prix. Je gagne même plus avec les assedic. En plus c’est une ambiance de merde, les pauvres filles se boufferaient entres-elles pour avoir la chance de rester quand ils commencent à virer du monde par ce que les grosses commandes sont terminer pour l’année.
…
Faut bien qu’il y en ai qui profite. D’ailleurs papa dit toujours qu’il n’y a que les bougnoules qui en profitent et que c’est toujours les mêmes qui bossent. Il est bien content de recevoir le chômage en ce moment !
…
C’est ça, j’ai toujours raison. En attendant je ne vous demande rien, et surtout bosse pour que je puisse bouffer avec tes impôts !
« elle a raccroché, tant mieux, toujours pour m’engueuler ». Elle jeta son téléphone sur son lit et prit un livre ; « Je ferai mieux de dormir, dormir indéfiniment ».