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on lui cherche des raisons.
Et on en trouve qui ne valent rien…
Extrait de Nicolas Bouvier dans l’Usage du Monde


Citation :
L'Afrique sans la France,
c'est comme une voiture sans chauffeur
La France sans l'Afrique,
c'est une voiture sans carburant
Omar Bongo


Pétition :
"Justice pour Thomas Sankara,
Justice pour l'Afrique"






22 février 2010 1 22 /02 /février /2010 15:50

Afin de « défendre le pouvoir d’achat », le gouvernement français envisage une série de mesures – monétisation des congés non pris, travail le dimanche, implantation plus facile des hypermarchés. Une donnée du problème est presque toujours occultée : en vingt ans, la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3 %, ce qui correspond à plus de 100 milliards d’euros en partie transférés vers le capital. Cet élément central du débat en est devenu le point aveugle.

Par François Ruffin

« La part des profits est inhabituellement élevée à présent (et la part des salaires inhabituellement basse). En fait, l’amplitude de cette évolution et l’éventail des pays concernés n’ont pas de précédent dans les quarante-cinq dernières années. » D’où sont tirées ces lignes ? D’un texte de la Confédération générale du travail (CGT) ? Nullement : elles viennent d’un article de la Banque des règlements internationaux (BRI), une institution qui réunit chaque mois, à Bâle (Suisse), les banquRuffiniers centraux afin de « coordonner les politiques monétaires » et d’« édicter des règles prudentielles ». Ce n’est pas vraiment un repaire de marxistes ; pourtant, leur exposé sur cette « marge [de profit] d’une importance sans précédent » se poursuit sur vingt-trois pages (1).

Et qui redoute le pire ? « J’ai attendu et j’attends encore quelque normalisation dans le partage du profit et des salaires » car « la part des salaires dans la valeur ajoutée est historiquement basse, à l’inverse d’une productivité qui ne cesse de s’améliorer ». Or « ce découplage entre faibles progressions salariales et profits historiques des entreprises fait craindre (...) une montée du ressentiment, aux Etats-Unis comme ailleurs, contre le capitalisme et le marché ». Là, il s’agit de M. Alan Greenspan, ancien directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui livre ses inquiétudes au Financial Times (2).

Ce constat, chiffré, est unanimement partagé. D’après le Fonds monétaire international (FMI), dans les pays membres du G7, la part des salaires dans le produit intérieur brut (PIB) a baissé de 5,8 % entre 1983 et 2006. D’après la Commission européenne, au sein de l’Europe cette fois, cette part a chuté de 8,6 %. Et, en France, de 9,3 % (3).

Par le gigantisme des sommes en jeu, des dizaines de milliards d’euros, ces 9,3 % devraient s’installer au cœur du débat. Toute la contestation des « nécessaires réformes en cours » (« régimes spéciaux », retraites, sécurité sociale, mais aussi pouvoir d’achat) pourrait s’appuyer sur ce chiffre. Or c’est à l’inverse qu’on assiste : il est comme effacé de la sphère publique, éclipsé dans les médias, à peine mentionné par les responsables politiques. Un point central de l’économie en est devenu le point aveugle.

Qu’on évalue ce transfert de richesses : le PIB de la France s’élève à près de 1 800 milliards d’euros. « Donc il y a en gros 120 à 170 milliards d’euros qui ont ripé du travail vers le capital », calcule Jacky Fayolle, ancien directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Soit, même avec des estimations basses, plus d’une dizaine de fois le déficit de la Sécurité sociale (12 milliards) et une vingtaine de fois celui des retraites (5 milliards). Ces derniers « trous » sont amplement médiatisés, tandis qu’on évoque moins souvent celui, combien plus profond, creusé par les actionnaires dans la poche des salariés... D’après Fayolle, de tels ordres de grandeur « traduisent des déformations structurelles, pas simplement de l’économie mais de la société ». Ces déformations résultent de « tout un ensemble de facteurs : le poids du chômage, les politiques économiques, les changements de la gouvernance des entreprises depuis une vingtaine d’années ».

Des médias entre mutisme et mensonges

C’est au début des années 1980 que le basculement intervient. Deux phénomènes se conjuguent : d’abord, le ralentissement de la croissance, qui passe de 4,8 % en moyenne durant les « trente glorieuses » (1945-1975) à environ 2 %. Ensuite, un bouleversement dans la répartition de cette croissance : « Tout se passe comme si ce changement de rythme avait été mis à profit pour modifier les règles du jeu au détriment des salariés (4) », notent des chercheurs de l’IRES.

D’abord par des « suppressions de postes » : des salaires ne sont plus versés, et leur part dans le PIB se réduit naturellement. Dans le secteur public, dernièrement, mais surtout dans le privé, avec des entreprises (Whirlpool, Michelin, European Aeronautic Defence and Space [EADS], Danone, etc.) qui surfent sur les bénéfices tandis qu’elles « restructurent » vers des « pays à bas coût de main-d’œuvre ». En outre, le chantage au chômage aidant, les salaires réels ont stagné : « Le revenu salarial net n’a pratiquement pas augmenté depuis ces vingt-cinq dernières années », précise le quotidien Les Echos (5). Les approximations optimistes concèdent 16 % d’augmentation seulement entre 1987 et aujourd’hui. C’est aussi en 1987 que naissait le CAC 40, avec un indice 1 000. Il cotait 5 697 points le 11 décembre dernier : + 470 %, donc.

La « flexibilité » aussi a fait plonger les salaires, en les rendant plus irréguliers. Depuis 1980, « la proportion des travailleurs à temps partiel est passée de 6 % à 18 % de l’effectif salarié total, et celle des autres formes d’emploi atypique (intermittence, intérim, etc.) de 17 % à 31 % du salariat (6) ». Devenu jetable, malléable, sur mesure, l’emploi s’est ajusté aux besoins variables des entreprises.

Enfin, on a rogné sur les à-côtés du salariat : il faut désormais cotiser plus et plus longtemps pour des retraites plus faibles, verser la contribution sociale généralisée (CSG) et des franchises médicales pour que les remboursements diminuent toujours, etc. « La masse salariale a deux composantes, nous explique Michel Husson, économiste à l’IRES : le salaire direct et les cotisations. Dans un premier temps, le salaire net a fait baisser la part salariale à un niveau qu’on ne peut plus faire trop descendre. Dans un second temps, la part des cotisations prend le relais. »

Le mutisme qui entoure ce détournement de richesses constitue un exploit permanent. Des heures de radio, des pages dans la presse : les journalistes ont glosé sur les miettes des régimes spéciaux, sur ces « bénéficiaires de lois obsolètes », sur ce « privilège intolérable », sur cette « inégalité inacceptable », sur la « nécessité économique et démographique » de cette « mesure d’équité » (7). Mais ils ont presque toujours oublié de mentionner le combien plus « inégal » partage des ressources nationales. Nos éditorialistes ont aussi omis de pester contre le « privilège intolérable » des actionnaires, ces « bénéficiaires » d’abattements fiscaux, sur la « nécessité économique et démocratique » de taxer leurs revenus financiers...

Mais, dans la foulée du conflit « catégoriel » des cheminots, le débat s’est fait plus « général », portant sur le pouvoir d’achat ! « Une surprenante stagnation », titra Le Monde (8). D’autant plus « surprenante » que ces 9,3 % n’étaient signalés à aucun endroit. Le terrain était ainsi préparé pour un président de la République qui se refusa à « distribuer les cadeaux de Père Noël car les Français savent bien qu’il n’y a pas d’argent dans les caisses. (...) Je n’ai pas le pouvoir d’augmenter les salaires. (...) Pour donner du pouvoir d’achat, il faut réhabiliter le travail (9) ». Et de soigner le mal par le mal : en aggravant la « flexibilité » des salariés : horaires variables et dimanche ouvré...

Le lendemain, tandis que Le Figaro saluait la « fin du carcan des 35 heures », Les Echos félicitaient M. Nicolas Sarkozy : « Il a tracé le programme des réformes pour les prochains mois – assurance-maladie, marché du travail. » Quelques pages plus loin, dans les mêmes éditions, on découvrait un article intitulé « Grande plaisance : la course au luxe ». Celui-ci expliquait que « les millionnaires, toujours plus nombreux, sont lancés dans une course sans fin au plus grand, au plus beau, au plus luxueux yacht... Dans ces châteaux des temps modernes, le robinet à 8 000 euros plaît beaucoup (10) » ! Mais pas le moindre lien entre le pouvoir d’achat en berne à la « une » et cette autre actualité, plus réjouissante. Pourtant, voilà qui aurait pu donner chair aux 9,3 %...

Ce mensonge par omission d’une donnée centrale de l’économie, qui surprendra-t-il ? « La presse quotidienne, résumait déjà Jack London, c’est l’escamotage quotidien » qui « purge » les injustices « par le silence de l’oubli » (11). Mais un autre « silence » assourdit. Quand MM. François Hollande, Bernard Thibault ou Vincent Peillon se sont-ils saisis de cet argument et l’ont-ils opposé à un journaliste ? Peut-être l’ont-ils fait, à l’occasion, dans une parenthèse. Mais, à coup sûr, l’« opposition » n’a guère accordé à ces 9,3 % la place qu’ils méritent. Qu’ils citent ces 100 milliards d’euros (au moins), et le socle d’inégalité, invisible et fragile, sur lequel reposent toutes les « réformes » des deux dernières décennies, pourtant effectuées au nom de la « justice », s’effondre. La rhétorique d’une pseudo-« équité » – car, comme le recommande l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), « il ne faut pas avoir l’air de défendre des intérêts, seulement des idées et des principes (12) » – s’écroule d’un coup. Qu’entendit-on à la place le 29 novembre au matin, dans la « Revue de presse » de France Inter ? « La Croix est allé à la rencontre des politiques et leur demande leurs idées en matière de pouvoir d’achat. Côté socialiste, le député Michel Sapin préconise des allégements de charges pour les entreprises qui auront conclu des négociations salariales. » Du chipotage et de nouvelles aides publiques.

Une semaine plus tôt, sur la même antenne, le député et maire d’Evry Manuel Valls affichait son « courage » : « Il faut travailler sur un allongement progressif de la durée de la cotisation. Ça vaut évidemment pour les régimes spéciaux ; ça vaudra demain pour le régime général. » Désormais, le « courage » consiste, dans ce camp aussi, non plus à soutenir une lutte qui inverserait un rapport de forces, mais à se plier par avance aux exigences du capital et du pouvoir, sans jamais batailler.

Les discours de la dernière élection présidentielle corroborent cette dérive : Mme Ségolène Royal ne signala à aucun moment les 9,3 % et les milliards évaporés – tandis qu’elle dénonça volontiers les « 80 milliards de déficits cumulés » de la Sécurité sociale, l’« endettement public qui est passé de 900 à 1 200 milliards d’euros en moins de cinq ans », le « déséquilibre historique de la balance commerciale, 30 milliards d’euros », etc. Si elle s’engagea à « lutter », ce ne fut pas contre un « adversaire » identifié (« Je ne désignerai aucun ennemi », précisa-t-elle), mais plutôt contre des problèmes sans responsables ni coupables (la « lutte contre toutes les formes d’insécurité », « contre le décrochage scolaire », « contre la vie chère », etc.).

Le « rentier » n’apparut à aucun endroit, la « finance » fut désignée deux fois (en quarante-deux discours), l’« actionnaire » ne surgit qu’à neuf reprises. En somme, presque rien qui aurait réclamé une répartition plus égalitaire des richesses produites. Pourtant, pendant cette campagne, le CAC 40 publia ses « profits records » – plus de 90 milliards d’euros – dont, autre record, 40 milliards avaient été reversés en « dividendes » (mot utilisé une fois par Mme Royal) (13). Mais la candidate socialiste ne se saisit pas de cette aubaine, lui préférant une autre recette, consensuelle : « Nous relancerons la croissance économique parce que nous réconcilierons les intérêts des entreprises et les intérêts des salariés. Voilà la clé du développement économique. »

L’extravagante hypothèse conservatrice se trouvait ainsi confirmée : avec une croissance de 2 %, parfois déguisée en « crise », tout progrès social serait impossible, voire rendrait « inéluctables » des reculs en série. Cependant, cette croissance qualifiée de « molle », aux alentours de 2 %, correspond à la moyenne observée au cours du XXe siècle, hors « trente glorieuses ». Un siècle qui ne se priva ni de progrès technique ou humain, ni de bâtir des protections salariales. Désormais, la justice sociale devrait néanmoins patienter, espérer une improbable – et pas vraiment souhaitable – hypercroissance à 4 %, 5 %, 6 %, voire plus.

Au printemps dernier, en « une » de l’hebdomadaire Challenges et sur toutes les affichettes des bars-tabacs, la candidate socialiste posa sous le titre : « Ségolène Royal face aux patrons : “Faites des profits, augmentez vos revenus !” » Comme s’ils avaient attendu sa souriante permission...

François Ruffin.

Article recueilli par le Monde Diplomatique



 

 

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18 février 2010 4 18 /02 /février /2010 16:23

Ce texte est extrait de la posteface du récit inédit de Jacques Degoul qui eut une carrière dans l'administration des colonies jusqu'à leur indépendance, avant de devenir coopérant. (Récit d'environ 500 pages)



"Il est infiniment regrettable que de misérables politiciens en mal d’électeurs , vers la fin de ma carrière, aient inventé le terme de « colonialisme » propre à attiser la réprobation, je dirai même la haine à l’encontre de tous les Français vivant Outre-Mer. J’admets qu’il existait des individus que j’appelle des « petits blancs ». ceux là, par leur comportement ont souvent défiguré le visage de la France. Ceux-là qui en métropole occupaient le bas de l’échelle sociale, sous prétexte qu’ils étaient blancs en pays noir, avaient la prétention de jouer les seigneurs. Ils étaient exigeants, méprisants et souvent brutaux à l’égard des Africains. Mais ceux-là, nous les avons toujours combattus et rappelés à l’ordre et avons bien souvent pris des sanctions à leur encontre. Je me souviens en ce qui me concerne du mécanicien de l’Institut de Recherche du coton et des textiles de Fianga. Une première fois, je l’avais convoqué pour le mettre en garde. Quotidiennement, il injuriait son personnel et bien souvent le frappait. N’ayant pas tenu compte de mes réprimandes et de mes conseils, je l’embarquais huit jours après sur un avion à destination de la France. Il ne revînt jamais.

 

Le seul mal que nous, nous ayons commis, c’est d’avoir arraché les Noirs à la maladie, à la famine et à la mort, d’avoir amélioré leur condition de vie, tant sur le plan physique qu’intellectuel. Nous avons construit des écoles pour les jeunes et actuellement il n’y a plus d’analphabète parmi eux et le nombre d’illettrés diminue. On peut toujours nous dire pourquoi leur avoir appris à lire et à écrire ? Ils n’en n’avaient pas besoin ! je laisse répondre Saint-Exupéry : « Pourquoi apprenez vous l’astronomie à un bûcheron ? En effet, celui-là n’en n’a pas besoin, mais un autre homme naîtra !. »

 

Pourquoi avoir inventé ce mot horrible de colonialisme ? C’est simple et habituel. Il faut faire vibrer l’âme des Français. Car épris d’idéal et de justice, sentimental et émotif, enthousiaste et timoré, tel est le Français. Sa nature lui fait un besoin de s’exalter ou de s’indigner. Il aime mettre ses nerfs à l’épreuve. Toujours prêt à la révolte contre l’iniquité, il recherche tout ce qui peut éveiller un écho dans son âme. Faute d’objets réels, on lui invente des chimères, on lui fabrique des épouvantails. Un mot vide de contenu suffit à le complaire. Ils le savent bien les politiciens, qui fabriquent des fantômes à l’usage des foules pour le plus grand profit d’un parti et dans l’intérêt de quelques hommes. Mais le Français est satisfait car il peut se gargariser d’un slogan. Peut importe qu’on le trompe. Il ne se soucie même pas de le savoir. Un mot suffit pour que soient traînés aux gémonies les hommes qui, humblement, silencieusement, au prix d’une volonté admirable, et souvent de leur vie, ont fait la grandeur de la France. Réaction, capitalisme, militarisme, communisme, fascisme, colonialisme, cléricalisme, et bien d’autres termes encore sont autant d’épouvantails qui soulèvent des passions et entretiennent des remous au sein de la nation. Peu d’individus seraient capables d’en analyser les substances. Mais pour cela même, ces étiquettes, réduisant le champs visuel des Français, facilitent le jeu des combinaisons politiques.

 

C’est ainsi que se crée une psychose dangereuse, une aberration de l’opinion qui conduit à des catastrophes nationales de l’ampleur de celle que nous avons vécue en 1940.

 

A l’époque, où le terme colonialisme a pris naissance, il s’agissait de s’attaquer à l’œuvre coloniale française. Mais qu’était-ce au juste que le colonialisme : personne ne le savait, même pas ceux qui avaient lancé le mot, dont aucun ne s’était rendu Outre-Mer. Non, je fais erreur ; il y avait un journaliste qui le savait, pour avoir en tout et pour tout passé quinze jours en Indochine du côté d’Ho Chi Minh, c’est M. Boutien, rédacteur en chef du journal Combat. Le colonialisme disait-il « c’est une machine à drainer du fric et à refouler le boulot. »

 

Qu’avaient-ils donc en tête ces politiciens ? Quel but poursuivaient-ils ? Pourquoi avaient-ils ainsi voulu vilipender la tâche de ceux qui, souvent sans gloire, sans honneur, parfois abandonnés de la mère patrie ont fait flotter notre pavillon sur des terres lointaines et sont allés, donnant le meilleur d’eux mêmes, apporter aux peuplades primitives et malheureuses d’Outre-Mer, un peu de rayonnement bienfaisant de la France ? Mais savait-il ce journaliste, savaient-ils ces politiciens qui jetaient l’anathème sur les artisans de la grandeur française et condamnaient en bloc l’œuvre colonisatrice de la France, savaient-ils de quoi était faite la vie de cette armés d’exilés, d’hommes inconnus et méconnus, qui ont pourtant écrit une des plus belles pages de notre histoire ? Savaient-ils la dose de volonté, de courage, d’énergie qu’il leur fallait déployer pour accomplir leur tâche quotidienne. Vivre seul parfois des années, isolé du monde, sans parents, sans ami, sans médecin, sans journaux, sans livre, sans radio, sans théâtre, perdu dans la brousse ; tout faire sans moyen, sans argent, sans matériel, souvent sans compétence :car il fallait les avoir toutes : travailler sans cesse et malgré la maladie ; effectuer dix longs jours de tournée à pieds ou à cheval, grelottant de fièvre, ne jamais s’arrêter, toujours lutter contre soi même, contre le climat, contre l’inertie des indigènes ; être en service de jour et de nuit ; toujours avec ses préoccupations et ses soucis, ne jamais pouvoir s’évader, se refaire une tête neuve, des forces neuves ; ne connaître ni dimanche, ni jour de fête, vouloir le mieux être de l’indigène contre lui même, le protéger de la famine, l’arracher aux misères physiques malgré lui même, être l’Administrateur, l’agriculteur, l’ingénieur, le vétérinaire, le médecin, être le juge, le conciliateur, celui de qui on attend la sentence juste et impartiale, être celui qu’on craint parfois, mais du quel, passivement, l’indigène attend qu’il soit un magicien, car il n’imagine pas que le blanc puisse avoir besoin de sa collaboration, être le centre vital d’un pays, la tête d’où tout rayonne et où tout aboutit, voilà quel a été notre lot. Et j’ose affirmer que beaucoup de nos détracteurs auraient eu de belles leçons à apprendre de nous. S’ils s’étaient donné la peine de connaître ce dont ils parlaient, ils auraient découvert avec étonnement que les vieilles qualités françaises brillaient toujours du même éclat Outre Mer. Grandeur et servitude de la vie coloniale : voilà comment pourrait être intitulé l’histoire de la colonisation française.

 

Ses détracteurs connaissaient mal l’histoire de monde ou ne la connaissaient pas du tout. Ils semblent ignorer que le soleil se lève à l’est et que la civilisation nous est venue d’Orient. De proche en proche, elle s’est propagée jusqu’aux confins de l’Occident. Chaque peuple, à son tour a été colonisé. Et chaque peuple en est sorti enrichi : enrichi dans sa pensée, enrichi dans ses connaissances, enrichi dans son comportement ! Ils semblent ignorer que la France n’a pas fait exception à la règle, puisque la Gaule a été colonisée successivement par les Romains, par les Germains, par les Francs, les Alains, et enfin par les Arabes. A tous ces envahisseurs, nous devons d’être ce que nous sommes ! Dans quel état primitif serions nous demeurés sans cela ? Lorsque je me remémore maintenant l’état dans lequel j’ai découvert les Africains il y a soixante ans et celui qu’ils ont atteint aujourd’hui, je me rends compte que, sans conteste, ils ont accompli depuis lors un pas de géant.

 

Et je m’en réjouis avec tous les camarades. Nos séjours africains étaient un minimum de deux ans. Durant ces deux ans, sans répit, et sans tenir compte de notre état de fatigue et souvent de santé, nous oeuvrions jour et nuit, pour faire avancer les choses, pour faire un nouveau progrès. A chaque fois, lorsque notre séjour s’achevait et que nous partions en congé, nous éprouvions un sentiment de déception, de découragement. Nous étions amers car nous avions l’impression d’avoir perdu notre temps, amer de constater notre échec. Mais après six mois de congé, nous revenions tout neufs, décidés à chaque fois à accomplir une révolution ! Et le séjour terminé, nous retombions chaque fois dans la désespérance. Combien il est dur de lutter contre des habitudes ancestrales, contre des coutumes vieilles comme le monde, contre des traditions indéracinables !

 

L’évolution, cependant, s’accomplissait, mais elle était très lente et sous-jacente. Aussi a-t-il fallu plusieurs décades pour prendre conscience que nous n’avions pas œuvré en vain et que grâce à notre persévérance, nous avions réussi à gagner une belle victoire. Ce n’est qu’après trente ou quarante ans que nous avons pu nous réconcilier avec nous mêmes et voir la certitude que nos fatigues, nos maladies, notre travail n’avaient pas été vain.

 

Ainsi en 1956, à Fianga, j’avais tenté en matière d’agriculture, de remplacer l’usage de la petite houe à lame et manche très court, par l’utilisation de la charrue, tractée par des bœufs et de faire adopter la charrette pour remplacer le transport à tête d’homme. Après trois ans de séjour, j’ai quitté Fianga avec l’horrible impression d’une défaite. Or, vers les années 1985, un père missionnaire, que j’avais connu à Fianga, arrivant de Tchad vint me faire une visite impromptue à Nice. Aussitôt que je lui eut ouvert la porte, il me dit : «  Monsieur l’Administrateur, je vais vous annoncer une nouvelle qui va, j’en suis sûr, vous remplir de joie ! A ce jour, dans le district de Fianga, plus aucun cultivateur n’utilise la houe traditionnelle. La totalité des habitants laboure à la charrue et transporte leur récolte sur des charrettes. » J’avoue que je ressentis une très grande joie ! A partir de ce jour, je sus que je n’avais pas perdu ma vie et que toutes les graines que j’avais semées, avec amour, avaient germé et qu’elles avaient fructifié. Tous les doutes et toutes les déceptions que j’avais ressenti s’évanouissaient soudain pour laisser la place à une certitude de victoire. J’étais pleinement heureux.

 

Ce sept septembre dernier, j’écoutais radio bleue. Par le plus grand des hasards, il m’a été donné d’écouter l’interview d’Elisabeth de Gaulle, rescapée d’Auschwitz et présidente d’une œuvre humanitaire. Je ferai mienne sa conclusion :

 

« A quoi servirait la vie, si on ne la donnait pas ! »

 

Jacques Degoul

 

 


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14 août 2009 5 14 /08 /août /2009 15:26

(voir le texte de départ ONG ou "charity business" )


Salut Nico,

Salut m’sieurs dames,

Et tout de suite : attention aux généralités !!!!

 

Première chose, le milieu de l’humanitaire est comme tous les autres : il y a du bon, il y a du mauvais. Mais l’éloignement, l’inconnu, l’exotisme, les catastrophes qui font le contexte de ces métiers ont très vite poussé les gens qui ne sortaient pas de chez eux a fantasmer l’ensemble de la profession, a ériger en saints ceux qui osaient partir dans des conditions aussi terribles. Aussi parce que l’histoire de l’humanitaire prend ses sources dans l’aide aux blesses des grands conflits. Alors voila, pendant des décennies, les gens des ONG étaient « nos » héros, en fait parfaitement inconnus, on ne savait pas vraiment ce qu’ils vivaient au quotidien, comment ils se comportaient, mais on y transposait a l’excès toutes nos petites culpabilités, tous nos besoins de bonne conscience. Et l’on considérait largement que la volonté d’aider l’autre se suffisait a elle-même, sans se poser la questions du comment, pourquoi, a quel prix…

Puis vinrent les années 90, et les premiers gros scandales. Tout d’un coup, le petit occidental moyen voyait s’étaler dans les journaux des histoires sordides d’humanitaires pédophiles, de détournement d’argent, etc… et « oh ! vous nous avez trahi ! » Au fil des ans, le débat a grossi -merci les medias, au passage, pour votre dénégation du journalisme et de l’information au profit du spectaculaire, du choc, du vendable…- et les gens se sont senti floues : ceux qui par leur seule expatriation leur apportaient fantasmes de solidarité et excuses a toutes leurs petites lâchetés quotidiennes n’ont pas toléré qu’ont les prive de ce confort. Et tout comme une personne peut-être encensée puis jetée a terre en quelques jours par « la masse », l’humanitaire est passe du podium des héros au banc des suspects. De nos jours, les gens pensent « c’est bien, mais… ».

 

Du côté de ceux qui se sont un peu plus penchés sur la question, les culpabilités s’enchaînent au fil des bien pensants de nos sociétés. Apres avoir applaudi les ONG lorsqu’on se mortifiait d’un passe colonialiste, voila que l’extension de nos modèles de vie nous donnent le tournis, le vertige, et on commence a se dire qu’on aimerait bien conserver (pour notre plaisir ?...) des petites poches de vie autochtone,  de l’authenticité svp, « oh, c’est tellement touchant ces gens qui vivent presque nus et triment toute la journée pour faire pousser leur nourriture …». « Et puis regardez, ils n’ ont pas l’air malheureux… ». Bon, j’en fais peut-être un peu trop, mais je voudrais vous faire remarquer que chaque cas et particulier. Et si les villageois avec qui je bosse en ce moment aimeraient rester sur leur montagne pour continuer de chasser et d’honorer leurs esprits, ils réclament aussi fortement de pouvoir s’offrir des téléphones portables et d’envoyer leurs enfants a l’école… Car le mal est déjà fait en matière de « rêve occidental » inculque a tous, faut pas rêver (enfin, si, il faut, mais là-dessus pas d’hypocrisie svp). Apres, toute la complexité est de trouver le juste milieu entre le « développement » sous ses formes mondialisées et la préservation des identités et des modes de vie propre a chacun. C’est pas évident…

 

Du coup, pour en revenir a l’humanitaire, on est certes dans une transition du « aider l’autre » a « comment aider l’autre réellement, et après tout ne serait-ce pas dans certains cas en se privant de l’aventure d’intervenir ? ». Chaque situation est spécifique, car humaine. Et pour connaître un peu ce milieu, je dirais aussi, et avant tout, qu’au-delà des clichés (encenseurs ou critiques) sur les ONG, comment chaque projet se déroule tient a 75% a la personnalité de celui/celle qui mène la barque : le chef de mission. Ainsi, une même organisation peut-elle mener un programme extraordinaire en un lieu, parce que le chef sur place connaît bien la région, l’aime, se pose des questions, écoute les autres, est engage, innove, envoit l’administration se faire foutre si besoin, se risque, essaye encore, etc. alors qu’ailleurs, de préférence dans une sympathique capitale tropicale, Monsieur le Boss s’attachera plus a la beauté des femmes du pays, a l’expertise de ses boissons alcoolisés et a ses avantages professionnels a vomir (voiture et chauffeur, maison payée, prime de risque…). Oui, je prends les exemples extrêmes, ils existent l’un et l’autre.

 

Quant a « ce que le capitalisme donne, la solidarité le redonne au compte-goutte », apprend-on vraiment quelque chose ? On sait tous comment ça se passe bordel !!! Mais on ne le croit pas, on ne l’intègre pas. Et la je vous renvois la balle : oui, quand on fait nos courses dans un supermarché, on favorise cette soi-disant « main invisible » merdique, quand on consomme le pétrole du Nigeria, achète le tee-shirt made in China, on dit « amen » au système… Bon, je suis remontée, me suis enchaînée cette semaine le documentaire « We feed the World », le film « Home » et le bouquin « La haine de l’Occident » du génial J. Ziegler, forcement… Mais j’ai encore envie de râler, l’humanitaire, il commence a sa porte… pas besoin d’exotisme, d’aventure et de complexe de supériorité pour croire profondément que « sans nous, ils ne sont sortiront pas ».

 

Comme cette parole de l’islam que tu cites, Gandhi disait qu’il n’y avait pas de meilleure leçon a donner que, en silence, de montrer l’exemple.

 

Je crois aussi profondément a cette phrase: «  la question n’est pas de savoir ce que l’on aurait fait a leur place, mais de savoir ce que l’on fait a la notre »

 

D’autres réactions a ton texte, point par point :

« donnez une image solidaire a votre société » ; tout est la : DONNEZ UNE IMAGE  bla bla bla. Tu remplaces par ecolo, c’est la même. Le dictat de la com’, gouvernant la majorité des consciences et du fric.

Sans compter ce foutu dictat des chiffres, allie de la com’, qui rend plus intéressant aux yeux de beaucoup d’avoir construit 10 bâtiments scolaires que d’en avoir bâti seulement deux mais avec équipement, formation des instits, réflexion sur un programme scolaire qui tiendrait compte de l’histoire et de la culture propres au lieu, et réserve (sous et ressources humaines) pour un suivi sur plusieurs années… Et ainsi les milliers de morts et les millions de dollars deviennent-ils en eux-mêmes les objets de nos activités sans plus réagir aux histoires personnelles. Je vote pour une réintégration du qualitatif au premier rang de nos préoccupations, et de celui des ONG !

 

« asile pour européens blases », la, t’y vas un peu fort. C’est parfois le cas, mais n’oublie pas que dans l’histoire nous sommes, les occidentaux, les premières générations a ne pas  avoir eu de guerre dans notre pays. Or l’humain a toujours besoin de combats personnels pour se sentir exister, et si ce combat éclate à la gueule de tous, c’est plus simple d’y trouver son rôle et de le revendiquer. Alors, de la facilite peut-être ?

 

« Il est vrai que dans ce monde, parfois, nous devons nous mêler des affaires des autres pays car leurs activités nous concernent directement. Je pense notamment à la gestion de l’eau, de la pêche, de la déforestation… »  Oh la la ! Grave de dire ça ! Se mêler des affaires des autres ne serait justifiée que si leurs actes peuvent avoir des conséquences néfastes sur nos petits conforts ?!!!!! Et par contre, pour faire encore du lourd, toutes ces ignominies a l’encontre des femmes dans quelques pays, ne nous affectant pas directement, devraient bénéficier de nos paupières les plus closes ?!!!! Pas d’accord ! Et c’est pourtant également un courant de penser « politiquement correct » et largement mis en avant qui pourrait bientôt priver des milliers de communautés de leurs forets ancestrales, au titre de la « taxe carbone » et compagnie…

 

Bon, j’arrête la. Guette ta réponse (et au passage, tu deviens quoi ?????).

 

Prenez soin de vous, m’sieurs dames, et des autres !

 

Amandine

 

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20 juillet 2009 1 20 /07 /juillet /2009 22:50

«C'est bien ce que vous faites, il y a tellement à faire partout dans le monde »


« Faites un don ... et déduisez le des impôts »


« Donner une image solidaire à votre société »


« Grâce à vous, l'enfant parrainé aura la chance d'être sauvé de la misère, d'aller à l'école, de se soigner, d'être protéger, de s'habiller.. »


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Ce que le capitalisme prend, la solidarité le redonne au compte goutte !


Pourquoi aller aider ou « éduquer » des villages perdus au fin fond d'un pays du sud ? En quoi serions-nous supérieurs au point de devoir les influencer ? Ces villages qui existent depuis des millénaires ne nous ont pas attendu pour survivre bon grés mal grés même si leur vie pourrait être améliorée sans aucun doute (rendement agricole, égalité des sexes, santé...)


Notre exemple occidental fondu d'individualisme, n'étant pas parfait et de loin, ne nous permet pas d'aller donner des leçons, et par le biais d'ONG, d'aller mettre des pansements sur des plaies que nous, notre mode de vie, et nos dirigeants, avons fait et continuons de faire.


Comme le dit le prophète de l'Islam, vous ne convertirez pas par la parole mais naturellement par l'exemple louable d'une vie sainte. Est-ce que notre exemple est à ce point convaincant ?


Quand est-il , au niveau sociologique, de tous ces petits jeunes et moins jeunes occidentaux, dont les problèmes personnels, sociaux, familiaux ne sont pas résolus et qui s'investissent dans la solidarité international : asile pour européens blasés.


De plus, en permettant à chacun de monter sa propre association, d'aller et venir pour traiter tous les maux avec de l'argent, des idées et du matériel, ne peut-on pas craindre une expansion encore plus rapide de la mondialisation et une occidentalisation encore plus importante alors que c'est cela même qui pousse, pour une partie, les gens à s'expatrier ?


Ne vit-on pas mieux dans un village paumé, aux cultures maraîchères seines, à l'élevage limité, dans une société familiale, solidaire que dans nos pays même si ce village ne possède pas la télé, le téléphone, l'électricité... Je dirai même si ce village à un taux de mortalité infantile élevé et si la maladie, les inondations provoquent de grands malheurs.


Il est vrai que dans ce monde, parfois, nous devons nous mêler des affaires des autres pays car leurs activités nous concernent directement. Je pense notamment à la gestion de l'eau, de la pêche, de la déforestation...


Mais pourtant, avant d'aller dans les villages leur expliquer qu'il faut arrêter de couper le bois, même si c'est pour se préparer à manger, nous ferions mieux de lutter dans nos propres pays qui polluent le plus et changer nos modes de vie à nous qui les tuons bien plus sûrement.


Je comprends aussi qu'on ne peut rester insensible devant le spectacle de pauvreté dans certain pays du sud et que ça démange de leur apporter des médicaments, de la nourriture, des habits, mais est-ce une solution à long terme. N'est-il pas à leur gouvernement d'améliorer le sort de leurs individus et encore une fois à nous de changer notre mode de vie qui les exploite indirectement.


Je comprends aussi qu'en temps de guerre, dans les camps de réfugiés, les génocides, ou aussi lors de catastrophes naturelles, la solidarité internationale s'ébroue et c'est sans doute à ce moment que les ONG sont nécessaires. Mais leurs actions devraient se limiter à cela, ponctuellement et avec une organisation globale qui éviterai les détournements de fond, prises de positions politique, acheminement d'armes et autres vols d'enfants !


Finalement, la grande partie de nos aides ne sert qu'à asservir les populations qui restent la plus part du temps esclaves de nos dons. Comme le disait Thomas Sankara (président du Burkina Faso dans les années 80) : « Notre pays produit suffisamment pour nous nourrir tous, malheureusement, par manque d'organisation, nous sommes obligés de tendre la main pour demander des aides alimentaires. Ces aides alimentaires qui nous bloquent, qui installent dans nos esprits cette habitude, ce reflex de mendiant, d'assisté... »



Voilà, ce texte n'est qu'une ébauche d'un point de vue personnel que j'aimerai bien faire évoluer grâce à vous, à vos points de vue, à vos critiques, mais aussi aux auteurs, livres, articles, sites Internet que vous voudrez bien me faire partager.

 


Dilo

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3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 01:02

 
Quelques commantaires sur le Tibet pour ceux qu'on que ca a foutre.
 
Comme dit Armand : 'aujourd'hui pour etre a la mode, il faut etre Pro-Tibet, Pro-Palestinien et ecolo'. On est ainsi sur de ne pas se faire contredire mais cela ne favorise pas le debat... Alors pourquoi, parmi toutes les minorites opprimees de la terre, la cause tibetaine nous tient davantage a coeur ? Pourquoi les Chinois considerent le Tibet comme faisant partie integrante de la Chine ? Qu'est-ce que revendiquent les Tibetains ? Quand est-il aujourd'hui de l'oppresseur chinois ? Une independance est-elle possible ? Voila a peu pres les questions que l'on se pose et auxquelles on va essayer de repondre.

Tout d'abord, le toit du monde avec ses habitants a toujours fascine les occidentaux. Les recits (Alexandra David Neel...) et les films (7 ans au tibet...) ont contribue a sa popularite. Le Dalai Lama a lui aussi beaucoup apporte a la cause tibetaine. Prix nobel de la paix, tres mediatise, il est devenu le representant d'un ideal democratique, eclaire et universel en plus de recouvrir les valeurs tres positives qu'on attribue en occident au bouddhisme : idéal de sagesse, tolérance, non-violence... Voila sans doute pourquoi est-on sensible a la cause tibetaine plus qu'aux autres. Enfin, il y a deux petites choses qu'il faut malgre tout savoir. Deja le discours du Dalai Lama ne fait pas l'unanimite parmi les Tibetains conservateurs (contre la democratie et la laicite) ou independantistes (rappelons que le dalai Lama ne revendique qu'une certaine autonomie). Aussi que les pays dit 'bouddhistes' n'ont pas echappe a la terreur (Kmers Rouges, Myannar). Enfin, le Tibet n'a jamais eu une société harmonieuse gouvernée par des sages : c'etait une société féodale arriérée et brutale avant de tomber aux mains des communistes.

Ensuite, qu'est-ce qui permet aux Chinois de considerer le Tibet comme faisant partie integrante de la Chine? Deja, on entendait parler de la Chine des siecles avant JC alors que le Tibet n'existait que par la mythologie. Sous la Dynastie des Han, qui debute II siecle avant JC, les frontieres de la Chine deviennent pratiquement les memes que celles d'aujourd'hui et sa civilisation se repend dans toutes ses provinces. Le Tibet profite de cette influence et devient entre le VIeme et le IXeme siecle un empire puissant. Les alliances matrimoniales qui unieront les deux empires a cette epoque sont, pour la propagande chinoise actuelle, le point de depart de l'appartenance du Tibet a la Chine. Ce qui est, entre nous, un peu exagere...

Mais continuons l'histoire car elle est interessante : a partir du Xeme siecle, le Tibet rentre dans une période d'anarchie ou des clans se partagent le pays. Le bouddhisme se met en place au XIIeme siecle mais sert tres bien le systeme feodal. Ensuite, un prince qui se croit malin demande l'aide des mongols pour s'accaparer tout le pays. Mais c'est comme on dit : c'est faire rentrer le loup dans la bergerie. Les Mongoles honorent pour la premiere fois un abbe du titre de Dalai Lama et comme par hazard, le second sera 'decouvert' dans une famille mongole... Enfin, avec l'avènement en 1644 de la dynastie Qing, d'origine mandchoue qui fera de Pekin sa capitale, l'Empire de Chine connaît une expansion exceptionnelle et le Tibet se verra imposer une veritable tutelle avec un gouverneur pour 'conseiller' le Dalaï Lama...

De la fin du XIXeme jusqu'a la moitie du XXeme siecle, la Chine est soumise aux puissances imperialistes occidentales et le Tibet devient un pion sur l'echiquier de la l'Asie centrale. Avec la fin de la dynastie Qing en 1911 et la proclamation de la republique de Chine, le XIIIeme Dalai Lama tente de proclamer a son tour l'independance de son pays mais le gouvernement britannique réaffirme la suzeraineté de la Chine sur le Tibet. Meme chose en 1949 apres la seconde guerre mondiale, les dirigeants tibétains essaieront de faire reconnaître par l'ONU l'indépendance de leur pays : ils ne recevront aucun soutien, ni de la Grande-Bretagne, ni des États-Unis, ni de l'URSS, ni même de l'Inde, pourtant devenue elle-même indépendante en 1947.

La Chine devient ensuite communiste et c'est alors que commencent les ennuis. Car finalement, malgre l'appartenance du Tibet a la Chine depuis des siecles comme on l'a vu, les Tibetains n'avaient pas eu a changer leurs traditions et n'avaient d'ailleurs pratiquement pas évolué depuis le Moyen-Âge. Aussi, quand l'Armee Populaire de Liberation rentre dans le pays, la population les acceuille avec enthousiame car elle renverse le pouvoir feodal en place. C'est seulement avec le durcissement du regime totalitaire que debutent les revoltes puis, dix ans plus tard, quand Mao investit la jeunesse chinoise pour faire table rase du passé que cela devient une catastrophe : des millions de morts, une grande partie du patrimoine artistique et culturel chinois anéanti. Naturellement, le Tibet est une cible de choix, la plupart des 6000 monasteres tibetains sont detruits et les moines assassines.

Ou en est-on aujourd'hui ? C'est assez difficile a dire. Quoi qu'il en soit, le mal a ete fait et la Chine d'aujourd'hui, bien qu'elle soit encore totalitaire, n'est plus a l'heure de la revolution cuturelle. Beaucoup de choses, que j'ai trouve positives, sont faites pour la population et pour les minorites. La population tibetaine a double et les autorites chinoises contribuent au developpement de la province malgre, apparemment, des inegalites. Le Tibet a ete ouvert aux touristes (definitivement a partir de 1992), Lhassa s'est enrichi d'un Institut d'études bouddhiques (1983) et d'une université (1985). Le tibétain est de nouveau utilisé dans l'administration et les ouvrages de référence religieux ou historiques tibétains sont réédités. En 1987, le grand rassemblement du nouvel an, la Meunlam Tchenmo, est autorisé après avoir été interdit pendant une vingtaine d'années... On ne peut donc pas parler d'ethnocide, il leur suffit juste, encore aujourd'hui et comme partout en Chine, de ne pas protester pour ne pas etre emprisonne...

Quelles sont les revendications des Tibetains ? Il est evident qu'ils ne supportent pas d'etre dirige par les Chinois, de facon extremement rigoriste et au sein meme de leur pays. Avec l'invasion puis la destruction de leur culte, j'imagine qu'ils ne les portent dans leur coeur. Les Tibetains ont une identite culturelle particuliere qui n'a rien a voir avec la Chine. Tetus comme des montagnards, encore consideres comme des guerriers, ils ne rentreront jamais dans le moule inalterable qu'on leur impose depuis Pekin. Meme si toutes les revoltes ont ete reprimees, ils continuent de mourir pour leur liberte. Enfin, et j'en passe, leur chef, le Dalai Lama, a du fuir comme environ 150 000 tibetains depuis plus de 40 ans...

Le gouvernement chinois considere quant a lui le Tibet historiquement comme faisant partie integrante de la Chine. De plus, c'etait et c'est encore une place strategique importante qui ouvre sur de nombreux pays, notamment l'Inde. Economiquement, le Tibet possede des richesses non negligeables. Enfin, donner l'independance au Tibet accentuerait l'irredentisme dans la province du Xinjiang chez les Ouigours turcophones et musulmans, en écho avec le renouveau de l'islamisme, et peut-etre meme en Mogolie interieure. Le Dalai Lama ne demande donc pas l'independance, d'une part sans doute par ce qu'il sait que la Chine n'acceptera jamais et d'autre part par ce que l'environnement particulierement hostile du pays ne lui permettra pas de s'en sortir de facon autonome, meme avec son potentiel touristique.

Pourtant, tout n'est pas perdu. La Chine hypermoderne tente d'y associer ses valeurs traditionnelles qui sont en grande partie fondees sur le confucianisme : bonne conduite, sagesse et relation sociale saine. Certes, elle reve de reprendre la part et la place qui lui reviennent dans le monde, en rapport a son egocentrisme et apres les humiliations qu'elle a subi au cours des derniers siecles, mais cela en "harmonie avec le mouvement du cosmos", c'est-a-dire en evitant les conflits. On peut donc esperer le retour du Dalai Lama un jour dans son pays avec qui la Chine entretiendra des rapports amicaux dans une atmosphere plus detendue et plus libre. Enfin pour les ames nostalgiques, le Tibet ne sera jamais plus une terre sauvage, inexploree et interdite mais irremediablement une plaque tournante du tourisme de masse et de l'economie mondiale. Developpement et mondialisation obligent. On ne va tout de meme pas mettre les gens dans des zoos simplement pour preserver de l'exotisme... Quant aux militants des droits de l'homme qui veulent se mobiliser contre les JO, on ne saurait trop leur conseiller de se tourner vers les investisseurs et dirigeants économiques occidentaux. Les droits humains y gagneraient assurément. La morale aussi.

Nico

 

 


Sources :

http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=125&var_recherche=tibet

http://blog.mondediplo.net/2008-04-30-Chine-Tibet-des-identites-communes

Histoire de comprendre : 'Pourquoi la Chine a-t-elle envahi le Tibet ?'

documentaires : 'Les tibetains en exil'

encyclopedie en ligne Wikipedia

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